Les aménagements qui ont accompagné la construction des villes occidentales aux 19e et 20e siècles ont très souvent inclus l’enfouissement des petites rivières urbaines, considéré comme essentiel par les hygiénistes. Depuis quelques années, cependant, la tendance semble s’être inversée. Face aux bouleversements climatiques et aux menaces qu’ils font peser sur l’environnement et la biodiversité, la renaturation des rivières urbaines devient une priorité.
Plusieurs bénéfices très concrets sont aujourd’hui associés à la restauration des cours d’eau en zone urbaine.
Le premier est la réduction des risques d’inondation. Tout d’abord parce qu’en renaturant les berges, on donne plus d’espace à la rivière, qui peut ainsi se répandre dans des endroits où elle produira moins de dommages. Ceci contribue à protéger les zones habitées. Ensuite, parce que laisser une rivière méandrer naturellement, sans la chenaliser, concourt à ralentir la vitesse du débit de l’eau, et donc de mieux anticiper les pics de crues. De même, réaménager l’espace en redonnant sa forme naturelle à la rivière permet à son lit de retrouver son mouvement initial. Ceci a pour conséquence de générer une bonne circulation des galets, évitant ainsi l’effondrement des berges
Deuxième avantage très tangible, le (re)développement de la biodiversité. Renaturer les berges et rendre à la rivière son cours naturel va aussi lui permettre de retrouver son rôle d’autoépuration des eaux. Parce qu’un lit sinueux permet l’alternance d’eau rapide et lente, l’épuration de l’eau est favorisée. Ainsi, les pollutions résiduelles peuvent être supprimées de manière naturelle et durable, et la qualité de l’eau en sera accrue.
Une eau en bonne santé (et plus fraîche) va non seulement contribuer à préserver la vie aquatique, mais aussi à faciliter le retour d’espèces qui avaient disparu. Les études menées sur plusieurs initiatives de renaturation, en France et dans d’autres pays européens, ont ainsi montré que plusieurs espèces d’invertébrés d’eau douce, de poissons, d’amphibiens, d’insectes, et même d’oiseaux ou de mammifères avaient fait leur retour dans des écosystèmes dont ils étaient absents depuis de nombreuses années.
Troisième bénéfice observable, redécouvrir les cours d’eau permet de s’adapter à la hause des températures. Ce rafraîchissement des villes, constatée notamment par plusieurs analyse menée par l’ADEME en France est mesurable : on estime ainsi qu’a chaque fois que l’on désimperméabilise cinquante mètres, on gagne un degré de fraîcheur.
Autre point positif, la restauration des voies d’eau permet logiquement de redévelopper des cheminements doux. Elle participe ainsi à l’amélioration du cadre de vie, en même temps qu’elle contribue à embellir les paysages. Cette dimension esthétique est loin d’être négligeable. En remettant en valeur le patrimoine fluvial d’un site, on accroît également son attractivité touristique, en offrant des possibilités de déambulations et de promenades.
Il a également été établi que la restauration des rivières avait un effet très positif sur la recréation de lien social, parfois difficile à construire dans les zones fortement urbanisées. En offrant des espaces conviviaux de nature, de fraîcheur, de détente, de partage d’activité, les cours d’eau à ciel ouvert contribuent à créer des dynamiques collectives.
Enfin, la renaturation des berges et des cours d’eau réhausse le potentiel d’activité économique d’un territoire. Cela permet notamment de développer des activités durables dans les domaines de la pêche, de l’agriculture, de la restauration ou de l’hôtellerie, mais aussi d’offrir des opportunités pour les baignades, les sports nautiques et plusieurs activités culturelles.
Un enjeu majeur et une priorité
Pour toutes ces raisons, préserver et renaturer les cours d’eau urbains est aujourd’hui devenu un enjeu essentiel. En témoigne le nombre de projets récents ou à venir dans plusieurs villes et régions françaises, à Marseille, en Bretagne, en Seine-Saint-Denis ou dans le Val de Marne, pour n’en citer que quelques-uns.
Plus largement, ces opérations de renaturation répondent également à la volonté d’atteindre les objectif fixés par l’Europe. Ainsi, la directive cadre sur l’eau de ‘Union européenne vise à parvenir à « un bon état des rivières, lacs et eaux souterraines » d’ici à 2027. Or, en 2018, selon l’Observatoire national de la biodiversité, seules 43,4% des cours d’eau français étaient dans un état écologique considéré comme satisfaisant.
Plus ambitieux encore, la volonté de l’UE de « restaurer 100% des espaces naturels européens d’ici 2050 ». Là encore, la restauration des cours d’eau et de leurs berges constitue une étape obligée si l’on veut atteindre l’objectif fixé.