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Plan eau : quels moyens pour quels objectifs ?

Devant l’urgence de la situation hydrique, le Président de la République a présenté le 30 mars un plan eau global, avec un double objectif de prévention des sécheresses pour l’été 2023 et d’accélération de notre trajectoire de sobriété au cours des prochaines années.

Dans les 30 ou 40 prochaines années, les réserves d’eau de la France devraient subir une diminution comprise, selon les experts, entre 10% et 40%. Conséquence majeure de cette évolution, une augmentation du nombre et de la fréquence des périodes de sécheresse.

C’est dans ce contexte peu réjouissant que le gouvernement a lancé un plan eau dédié, afin de prévenir et de limiter les effets des sécheresses et d’abaisser de 10% notre consommation d’eau d’ici 2030.

Préparer l’été 2023

Parmi les plus de 50 mesures que contient le plan gouvernemental, certaines seront appliquées dès ce printemps, avec l’objectif de minimiser les effets du manque d’eau attendu. Elles viennent ainsi compléter la mise en vigilance ou en alerte renforcée de plusieurs départements, méridionaux notamment, et visent à renforcer les initiatives d’économies de la ressource.

Ainsi, dès le début du mois de mai, un « Ecowatt de l’eau » sera mis en place pour les particuliers. Il s’agit d’un instrument de mesure de l’eau, qui permettra de connaître son niveau de consommation, de se familiariser avec les gestes adaptés et d’être informé en temps réel des restrictions locales.

Entrera aussi en vigueur une tarification adaptée en fonction de la quantité consommée : les premiers mètres cubes seront facturés à un prix modeste, proche du prix coûtant, mais au-delà d’un certain niveau, le prix du mètre cube sera plus élevé.

Plus largement, ce sont tous les secteurs d’activité qui doivent dès maintenant présenter un plan de sobriété spécifique. Les pratiques agricoles les moins gourmandes en eau seront accompagnées financièrement et les 50 sites industriels considérés comme ayant le plus gros potentiel de baisse de consommation d’eau bénéficieront également d’un soutien afin d’adapter leurs infrastructures. Enfin, les centrales nucléaires, très consommatrices d’eau, devront aussi faire des travaux pour diminuer leur niveau d’utilisation de la ressource.

Combattre le gaspillage

Selon les experts, un litre d’eau potable sur cinq en moyenne part dans les fuites. Ce pourcentage peut même s’élever à un litre sur deux dans certains territoires. La lutte contre ce gaspillage devient donc une priorité. 180 millions d’euros seront ainsi consacrés chaque année à la résorption un urgence des fuites dans les 2000 communes métropolitaines dans lesquelles la situation est la plus critique. 35 euros supplémentaires iront aux communes ultramarines.

Ces initiatives de réparation s’accompagneront d’un plan de modernisation des infrastructures et des réseaux, afin de réduire les risques de fuites et d’organiser la sobriété au plus près du terrain.

Réutiliser plus et mieux les eaux usées

Alors que seul 1% des eaux usées est aujourd’hui réutilisé en France, le plan fixe l’objectif de 10% de réutilisation à horizon 2030. En d’autres termes, cela représente chaque année 300 millions de m3, c’est-à-dire 3 piscines olympiques par commune ou 3500 bouteilles d’eau par personne. Pour ce faire, 1000 projets seront lancés au cours des 5 prochaines années, sur la base de technologies et d’expertises déjà présentes dans notre pays.

Transformer nos modèles agricoles

L’agriculture est le domaine le plus consommateur en eau. Il est donc indispensable que des efforts spécifiques soient portés à la maîtrise et à la réduction de l’utilisation de la ressource. C’est pourquoi, toutes les nouvelles installations devront être adaptées au changement climatique avec des diagnostics eau, sols et adaptation intégrés aux aides à l’installation. Il sera également nécessaire de « réinventer des territoires agricoles », notamment en privilégiant des cultures plus économes en eau.

Par ailleurs, un fonds de 30 d’euros sera déployé pour financer des techniques qui favorisent la recharge des nappes et permettent de réduire les besoins d’irrigation. 50 millions d’euros seront affectés à la préservation des zones humides. Enfin, chaque année, les agences de l’eau disposeront de 475 millions d’euros supplémentaires, afin d’aider les collectivités et les acteurs économiques et agricoles à garder une eau en quantité suffisante et à améliorer sa qualité.

Les 53 mesures du plan eau

  1. Pour toutes les filières économiques : établissement d’un plan de sobriété pour l’eau pour contribuer à l’atteinte de cet objectif.
  2. Pour les industries : accompagnement d’au moins 50 sites industriels avec le plus fort potentiel de réduction.
  3. Pour le bâtiment : Des travaux sont engagés afin de réduire la consommation d’eau dans les bâtiments neufs.
  4. Pour les agriculteurs : 30 millions d’euros supplémentaires par an seront consacrés au soutien des pratiques agricoles économes en eau (émergence de filières peu consommatrices d’eau, irrigation au gouttes à gouttes, etc.).
  5. Pour l’État : une démarche État exemplaire de sobriété et de lutte contre le gaspillage sera engagée au sein des administrations publiques.
  6. Pour les citoyens : les particuliers seront accompagnés pour l’installation de kits hydro-économes et de récupérateurs d’eau de pluie en fonction des besoins sur les territoires.
  7. Pour tous : une campagne de communication grand public sera lancée pour inciter tous les acteurs à la sobriété.
  8. Pour sensibiliser dès le plus jeune âge : les enjeux de l’eau (cycle de l’eau, éducation à la sobriété, préservation des écosystèmes aquatiques) seront renforcés dans le cadre de l’éducation à l’environnement et au développement durable auprès des scolaires.

« Territoire par territoire »

  1. Chaque grand bassin versant sera doté d’un plan d’adaptation au changement climatique.
  2. Des objectifs chiffrés de réduction des prélèvements seront définis dans les documents de gestion de l’eau à l’échelle des 1100 sous bassins du pays.
  3. Fin progressive des autorisations de prélèvement au-delà de ce qui est soutenable dans les bassins versants (jusqu’en 2027)

Mieux piloter la ressource

  1. L’installation de compteurs avec télétransmission des volumes prélevés sera rendue obligatoire pour tous les prélèvements importants (Expérimentation dans 10 territoires dès 2024, généralisation d’ici 2027)
  2. L’encadrement des petits prélèvements sera renforcé, en abaissant le seuil de déclaration des forages domestiques.
  3. Face aux investissements importants à faire pour réduire les fuites (notamment dans 170 collectivités qui ont des taux de fuites supérieurs à 50%), 180 millions d’euros par an d’aides supplémentaires seront versées aux agences de l’eau
  4. Les freins règlementaires à la valorisation des eaux non conventionnelles seront levés à la fois dans l’industrie agro-alimentaire, dans d’autres secteurs industriels et pour certains usages domestiques.
  5. Accompagner les porteurs de projets de réutilisation des eaux usées traitées.
  6. Un observatoire sur la réutilisation des eaux usées traitées sera mis en place.
  7. Un appel à manifestation d’intérêt spécifique à destination des collectivités littorales pour étudier la faisabilité de projets de REUT sera lancé par l’État en partenariat avec l’Association nationale des élus du littoral (Anel) et le Cerema.
  8. La récupération des eaux de pluie de toiture des bâtiments agricoles (notamment bâtiments d’élevage, pour l’abreuvement des animaux) sera largement soutenue en vue de sa généralisation via des aides des agences de l’eau.
  9. La préservation des zones humides sera renforcée avec 50 millions d’euros par an en plus.
  10. Un fonds d’investissement hydraulique agricole sera abondé à hauteur de 30 millions d’euros par an.
  11. Une stratégie nationale et un guide technique relatifs à la mise en place de systèmes de recharge maîtrisé des aquifères seront élaborés.

Prévenir la pollution des milieux aquatiques

  1. Tous les captages seront dotés d’un Plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE).
  2. Les projets s’inscrivant dans une démarche agro-écologique, d’agriculture biologique seront favorisés.
  3. La France adaptera ses usages de produits phytopharmaceutiques au regard des forts enjeux de santé-environnement sur les aires d’alimentation de captages.
  4. La planification sur produits phytopharmaceutiques (Ecophyto2030) déclinera en France cette même approche relative à la limitation de l’usage des intrants dans les aires d’alimentation des captages.
  5. Le soutien aux pratiques agricoles à bas niveau d’intrants sur les aires d’alimentation de captage sera renforcé.
  6. En cas de dépassement des exigences de qualité fixées pour les eaux destinées à la consommation humaine par un pesticide toujours utilisé, des mesures de gestion permettant de juguler le risque seront mises en place automatiquement par le préfet, en complément des mesures du plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux de la collectivité.
  7. 50 millions d’euros par an d’aides supplémentaires des agences de l’eau seront consacrés à la mise aux normes des stations d’épuration prioritaires.
  8. 70 projets d’opérations phares (10 par grand bassin hydrographique) labellisées Solutions fondées sur la nature seront lancées à des fins de démonstrateurs de lutte contre les sécheresses.
  9. 100 millions d’euros seront injectés pour financer des projets de renaturation et de désimpermabilisation des collectivités dans le cadre du Fonds vert.
  10. Un travail de fond sera engagé avec les acteurs pour actualiser et redynamiser la filière de génie écologique.
  11. Chaque sous-bassin versant sera doté d’une instance de dialogue et d’un projet politique de territoire organisant le partage de la ressource.
  12.  Les SAGE seront modernisés.
  13. Les conditions d’une intervention efficace des Conseils départementaux en matière d’assistance technique et financière seront facilitées.
  14. Un territoire ultra-marin pilote sera accompagné pour intégrer la compétence GEMAPI dans le Plan eau DOM.
  15. La participation au Comité national de l’eau sera élargie pour intégrer de nouveaux représentants des usagers de l’eau et la jeunesse.
  16. Les moyens des agences de l’eau seront rehaussés de 475 millions d’euros par an.
  17. Le plafond de dépenses des agences de l’eau sera supprimé dès le prochain programme d’intervention.
  18. 35 millions d’euros par an supplémentaires seront mobilisés pour la politique de l’eau dans les Outre-mer.
  19. La Banque des territoires mettra en place une nouvelle génération d’Aquaprêts à taux bonifié pour les collectivités territoriales.
  20. La mise en place par les collectivités d’une politique tarifaire adaptée aux enjeux des territoires sera facilitée.
  21. Le Conseil économique social et environnemental sera saisi d’une mission sur les évolutions nécessaires pour faire des recommandations sur la tarification progressive de l’eau.
  22. Dans le cadre du Plan eau DOM, l’État mènera avec les acteurs locaux les travaux requis pour sécuriser la perception des redevances des offices de l’eau et leurs missions.
  23. La protection et la restauration du patrimoine naturel sera inscrite dans les programmes pluriannuels d’investissements des collectivités. Elles pourront inscrire ces projets dans les travaux éligibles aux dotations de l’État, sans contrainte de plafond.
  24. L’étude Explore 2, qui actualisera les projections hydrologiques à partir des dernières publications du GIEC, sera complétée d’une étude prospective sur l’évolution de la demande en eau en France.
  25. L’empreinte eau sera intégrée dans l’affichage environnemental.
  26. Un volet eau de France 2030 couvrira l’ensemble de la chaîne de valeur et des usages liés à l’eau (gestion de la ressource brute, usages de l’eau, maîtrise de la donnée et de son analyse, traitement des eaux), comme soutien transversal aux innovations des entreprises françaises.
  27. Les programmes de recherche majeurs sur l’eau concourront à projeter les évolutions futures et améliorer les outils pour mettre en œuvre une politique intégrée de l’eau dans leur aménagement du territoire à l’heure du changement climatique.
  28. Un outil simple d’accès et d’utilisation sera déployé afin que chacun puisse connaître les restrictions qui s’appliquent en fonction de sa géolocalisation et de sa catégorie d’usager, et les éco-gestes recommandés au regard de la situation hydrologique locale.
  29. Le guide national des restrictions sécheresse sera mis à jour pour une meilleure efficacité et adaptation des mesures au plus près des réalités du terrain.
  30. Afin d’accompagner la prise de décision au niveau national et local, des outils seront développés pour améliorer l’anticipation des années sèches, l’identification des territoires les plus à risque, la détection des inadéquations entre prélèvements et ressources en période d’étiage et de suivi des impacts dans le temps.
  31. Il sera régulièrement rendu compte aux parties prenantes, a minima deux fois par an, de la mise en œuvre des mesures du plan dans le cadre du Comité national de l’eau.