Actualités ecobulles

De bonnes nouvelles du front de l’eau !  

Dérèglement climatique, raréfaction de la ressource, gaspillage, pollution ou problèmes d’adduction et d’accès : lorsqu’il est question d’eau, la majorité des informations que l’on peut lire ou écouter n’incite pas à l’optimisme. Pourtant, dans cet océan de mauvaises nouvelles, il existe quelques raisons de se réjouir. Aux Etats-Unis, en Europe ou au Moyen-Orient, plusieurs initiatives exemplaires ont déjà permis ou laissent espérer des résultats probants, en matière d’économies et de conservation de la ressource ou de restauration d’écosystèmes dégradés.  

Comment Las Vegas a dit stop au gaspillage 

Les apparences peuvent être trompeuses : à première vue, Las Vegas ne présente pas le visage d’une métropole économe en eau. La capitale américaine du jeu affiche fièrement ses hôtels de luxe, ses fontaines monumentales à jet continu et sa grosse vingtaine de parcours de golf. Ajoutez à cela les piscines individuelles et les jardins gazonnés, et l’on est apparemment très loin d’un exemple de sobriété hydrique. Pour compliquer encore la situation, le désert du Mojave, qui entoure Las Vegas, connaît une période de sécheresse particulièrement dure, et la ville n’a pour seule source d’alimentation en eau que la rivière Colorado, sur laquelle le barrage Hoover a permis la construction du lac Mead, le plus grand réservoir d’eau douce du pays. 

Dans ce contexte très défavorable, les autorités locales ont décidé de réagir et de prendre des mesures fortes pour préserver une ressource de plus en plus rare;

  • Première décision majeure, l’interdiction des piscines individuelles de plus de 55 m2. Selon la Southern Nevada Water Authority, cette mesure devrait permettre d’économiser plus de 121 millions de litres d’eau au cours des 10 prochaines années.  
  • Second levier activé, le « recyclage » de toutes les eaux utilisées en intérieur, pour l’entretien, le nettoyage, ou la cuisine. Elles sont récupérées, retraitées et reversées dans le lac Mead à des fins d’alimentation de la ville.  
  • Troisième élément de ce plan d’économie, la limitation de la consommation autorisée sur le Vegas Strip, l’artère principale de l’agglomération et le poumon économique de la région. S’y trouvent en effet la grande majorité des casinos et des hôtels de Las Vegas. Grâce à la systématisation du retraitement et de la réutilisation des eaux évoquée plus haut, on considère que le Strip et l’ensemble de ses activités ne consomment aujourd’hui pas plus de 5% du total des eaux disponibles pour l’ensemble de la métropole.  
  • Autre axe fort de la politique de sobriété hydrique, l’interdiction des pelouses résidentielles, que l’on remplace dorénavant par des végétaux plus habitués au climat désertique et beaucoup moins gourmand en eau. L’objectif est là encore de réduire la consommation de 10%. S’ajoute à cette interdiction la fixation d’un cadre strict en matière d’irrigation, avec des limitations claires, en fonction des moments du jour et des saisons. Une «police de l’eau » a été mise en place pour identifier et sanctionner les contrevenants, qui risquent des amendes conséquentes en cas de non-respect des obligations fixées.  

Au final, les effets cumulés de ces politiques d’économie font aujourd’hui de Las Vegas l’un des champions américains de la sobriété hydrique.  

L’eau de mer au secours des cultures en Andalousie 

Les serres d’Andalousie sont le verger de l’Europe. Elles alimentent en fruits et légumes l’ensemble du continent, en même temps qu’elles offrent des opportunités d’emplois dans une région durement touchée par le chômage. Cependant, les nappes phréatiques qui permettent d’irriguer ces cultures deviennent de plus en plus basses et de plus en plus salées. Des solutions d’irrigation ciblées et équipées de dispositifs de goutte à goutte ont déjà été mises en place, mais ne suffisent pas à compenser la baisse du niveau des nappes et à assurer l’avenir des verger andalous.  

D’où l’idée de l’Institut de Domotique et d’Efficacité énergétique de l’Université de Malaga de développer un projet d’économie circulaire consistant à améliorer l’approvisionnement en eau de la région grâce au dessalement de l’eau de mer à l’aide de l’énergie solaire. Baptisé Agua+S, ce projet prévoit l’installation d’une unité de dessalement en bordure de mer. Elle sera composée d’une station de pompage, d’un réservoir et d’une centrale photovoltaïque, dans laquelle l’eau sera traitée et dessalée. L’installation devrait permettre de produire 20 hectomètres cubes d’eau par an, pour un coût initial de 60 millions d’euros.  

Un écosystème restauré dans la Ruhr 

La Ruhr est le cœur industriel de l’Allemagne. On y trouve aussi plusieurs cours d’eau, dont la rivière Emscher, dans laquelle ont, pendant des décennies, été rejetés les déchets des usines régionales de production d’acier notamment. Des véritables égouts à ciel ouvert avaient été créés, avec, pour conséquence, la disparition de toute biodiversité dans la rivière elle-même et dans ses affluents.  

Sous la pression de groupements de citoyens, un vaste programme a été mis en place pour nettoyer et renaturaliser les cours d’eau pollués, avec l’objectif de les rendre de nouveau capable d’accueillir poissons, batraciens et oiseaux.  

Entamé en 2011, ce projet de grande ampleur aura coûté 5,5 milliard d’euros et nécessité la construction d’un tout nouveau système de gestion et de traitement des eaux usées. Soutenu financièrement – à hauteur de 500 millions d’euros – par la Banque européenne d’Investissement, le nettoyage de l’Emscher et de ses affluents est une réalisation exemplaire qui démontre qu’il est possible de redonner à une région façonnée par des dizaines d’années d’exploitation industrielle un aspect quasi naturel. Au-delà du retour de la biodiversité, les bénéfices d’une telle opération sont nombreux, autant en terme d’amélioration de la qualité de vie que d’attractivité économique. Ainsi, selon une étude de l’université de Dortmund, 44 000 emplois ont été créés dans la région à la suite du projet de réhabilitation de l’Emscher. 

L’eau au service de la paix au Proche-Orient ? 

Au Proche-Orient, le Jourdain est la source d’eau potable majeure pour Israël, la Jordanie et la Palestine. Depuis sa source, au Liban, le fleuve s’écoule sur 360 kilomètres, au travers la vallée la plus basse du monde, pour se jeter dans la Mer Morte, à plus de 400 mètres au-dessous du niveau des océans.  

A mesure qu’il progresse vers son embouchure, le Jourdain se rétrécit considérablement, du fait du manque d’eau en provenance des cours d’eau situés au nord et du pompage d’une partie de l’eau restante par plusieurs usines situées le long de la frontière israëlo-jordanienne, à des fins d’extraction de la potasse, du brome et du magnésium. L’eau reversée une fois cette opération effectuée ne remplace qu’à moitié les quantités prélevées. Résultat : en arrivant à son terme, le Jourdain n’a plus rien du fleuve majestueux de la mythologie hébraïque. Et l’affaiblissement du Jourdain a pour conséquence logique le rétrécissement de la Mer Morte, dont la taille est aujourd’hui inférieure de moitié à ce qu’elle était en 1976. Actuellement située à 436 mètres sous le niveau de la mer, elle recule de 1,1 à 1,2 mètre chaque année. 

Dans une région où l’accès à l’eau est un enjeu vital – selon les mots de l’ancien Premier Ministre israélien Yitzhak Rabin, « Si nous réglons tous les problèmes du Proche-Orient mais pas celui du partage de l’eau, notre région explosera. La paix ne sera pas possible » -, cette situation présente donc tous les caractères d’une catastrophe annoncée.  

C’est face à cet enjeu essentiel que plusieurs organisations environnementales ont décidé d’unir leurs forces pour mener campagne en faveur de la réhabilitation du cours du Jourdain et de la Mer Morte. La coalition ainsi formée rassemble des Israéliens, des Palestiniens et des Jordaniens, et entend s’appuyer sur les capacités de dessalement d’Israël pour alimenter en eau potable les pays frontaliers. Pour les promoteurs de cette initiative, cela permettra à la fois de relancer le tourisme et d’apporter une indispensable stabilité dans une région vue comme une poudrière.  

Les organisations engagées dans cet effort commun veulent concentrer leurs actions sur la réparation et la prévention de la récurrence des dommages environnementaux créés par les activités industrielles et minières, et sur la planification de « l’option nord », c’est-à-dire le déversement d’une plus grande quantité d’eau dans le Jourdain depuis le lac de Tibériade. Elles peuvent aujourd’hui s’appuyer sur la volonté des gouvernements israélien et jordanien qui ont signé une déclaration d’intention de partenariat pour la restauration écologique et le développement durable du Jourdain.